CHAPITRE X

Obi-Wan présumait que c’était la collation nocturne de la Reine qui contenait le poison, mais il n’en était pas sûr. Il ignorait en combien de temps le poison faisait effet. Il ne pouvait courir le moindre risque, pas quand la vie de la Reine était enjeu.

Il s’empressa de gagner les appartements de Veda. La Reine, vêtue de sa robe du matin, était dans la salle à manger. Ses yeux étaient cernés, ses cheveux ternes. La table était dressée pour le petit déjeuner – du thé, des fruits et un gâteau aux protéines. D’une main tremblante, elle levait justement sa tasse de thé…

– Non ! cria Obi-Wan.

Il bondit et frappa la tasse à la volée. Celle-ci alla s’écraser sur le sol.

La Reine se retourna avec lenteur et contempla fixement les éclats de porcelaine.

– Ce service m’a été offert pour mes fiançailles.

– Je crois qu’on est en train de vous empoisonner, reine Veda, lâcha Obi-Wan.

La Reine semblait avoir du mal à bouger la tête. Elle le dévisagea.

– Que dis-tu ?

– Je ne sais pas qui est le criminel, fit Obi-Wan. Je n’ai pas la moindre preuve, du moins pas encore. Mais si c’est bien le cas, vous ne devez rien manger ni boire de ce qui vous est servi.

– C’est impossible, murmura la Reine.

– Impossible, en effet ! déclara le prince Beju en entrant dans la pièce à grands pas, Giba sur ses talons. Ce Jedi vous ment !

– Et pourquoi ferait-il une chose pareille ? demanda la Reine d’une voix faible.

– Pour jeter le discrédit sur le palais. Ou pour quelque autre raison qu’il nous reste à découvrir. Je n’ai pas confiance en ces Jedi, Mère !

– Et où est l’autre ? s’enquit Giba d’une voix onctueuse. J’ai demandé plusieurs fois à le voir, et chaque fois, on me dit qu’il se repose ou qu’il fait une promenade. Je n’y crois pas ! Ce Jedi nous ment déjà. Pourquoi ne nous mentirait-il pas encore ?

– Vous êtes tous deux bien prompts à m’accuser, répondit Obi-Wan. Je m’étonne que vous ne cherchiez même pas à vérifier la véracité de mes paroles. Même s’il n’y a qu’une maigre chance que je dise vrai, il me semble que vous devriez vous en soucier. Regardez la Reine. Elle s’affaiblit de jour en jour.

Le Prince se tourna vers sa mère. Un instant, son expression coléreuse s’adoucit, et il avança d’un pas dans sa direction. Puis il se reprit et fit de nouveau face à Obi-Wan.

– La maladie de ma mère ne te concerne pas. Et ce n’est pas en proférant des mensonges que tu la guériras. Tu ne fais que la bouleverser ! Peut-être Qui-Gon Jinn est-il mêlé à cette histoire d’empoisonnement. Giba a raison : il semble devenu invisible. Il a accepté mes conditions, puis a renié sa parole. Il est capable de tout !

– Qui-Gon est allé dans les collines pour tenter de convaincre Élan de faire voter son peuple, expliqua Obi-Wan.

Ce n’était qu’une demi-vérité, mais, au moins, cela expliquait sa disparition. Il ne pouvait dévoiler le secret de la Reine.

– C’est ridicule ! s’esclaffa le prince Beju. Qu’avons-nous à faire du peuple des collines ? Que nous importe ce qu’il pense ? De toute évidence, tu nous mens encore.

La Reine se leva, au prix d’un pénible effort.

– Il ne ment pas, Beju, j’en atteste. C’est moi qui ai demandé à Qui-Gon de contacter Élan. En mon nom.

Le prince Beju pivota brusquement sur lui-même pour regarder sa mère.

– Mais pourquoi ? demanda-t-il.

– Parce qu’elle est ta demi-sœur, répondit la Reine d’un ton égal. Il est grand temps que tu saches la vérité. Avant de m’épouser, ton père s’est marié une première fois et a eu un enfant. Il a divorcé et abandonné sa fille. Cette décision l’a miné sa vie durant…

– Je n’y crois pas ! s’écria le prince Beju en secouant la tête. Maintenant, c’est vous qui mentez. Mon père n’aurait jamais agi de façon si déshonorante. Nous sommes des Galaciens. Pour nous, la famille compte avant tout. Ne l’a-t-il pas lui-même dit et répété ? Il n’aurait jamais souillé le nom des Tallah en épousant une fille des collines. Et il n’aurait jamais abandonné son enfant ! Vous le savez aussi bien que moi !

– Je suis navrée, Beju, dit la Reine avec douceur, mais c’est la vérité. Il regrettait amèrement son geste. Il voulait que les torts soient réparés.

– Vous profanez la mémoire de mon père ! chuchota le Prince, horrifié. Rien ne vous arrêtera donc pour me couvrir de honte ?

La Reine se tourna vers Giba.

– Dites-lui, vous, le supplia-t-elle. Vous étiez là. Vous savez que c’est la vérité.

Giba secoua la tête.

– Désolé, ma Reine. Je ferais n’importe quoi pour Votre Majesté, excepté mentir.

La Reine chancela. Obi-Wan se porta vers elle pour la soutenir.

– Je comprends tout, maintenant ! cracha le Prince, furieux. Vous êtes de connivence avec les Jedi. Vous conspirez contre moi. Vous êtes prête à tout pour m’empêcher de monter sur le trône.

– Non, Beju, mon fils, dit la Reine d’une voix faible. Non…

– Je vais appeler la garde, dit Beju avec fermeté.

Il se dirigea vers les tubes fixés au mur.

Obi-Wan tenait toujours la Reine par le bras. Elle tremblait et était à deux doigts de s’évanouir. Pourtant, dans un sursaut d’énergie inattendu, elle s’écarta de lui. Elle eut le temps de lui jeter un regard qui signifiait : « Va-t’en ! » Puis elle fit quelques pas chancelants et s’abattit contre son fils.

Déséquilibré, le Prince l’agrippa pour la retenir.

Obi-Wan s’esquiva comme s’il avait des ailes.